Pour cet article, j’ai rencontré Anne, maman de deux enfants adoptés en Haïti.
Anne, quel était votre état d’esprit quand vous avez commencé les démarches de votre première adoption ?
Nous avions le désir d’être parent, et l’adoption était la seule voie pour le devenir. Nous étions peu renseignés sur le processus, heureusement en 2008, les choses étaient plus faciles qu’aujourd’hui.
Comment se passe le parcours d’adoption ?
D’abord il faut écrire au Conseil Départemental, au service d’Aide Sociale à l’Enfance qui a la compétence pour délivrer un agrément pour l’adoption. Il y a un stage d’information puis un dossier administratif. Ensuite commence le processus d’investigations d’un travailleur social et un psychologue. Cette situation n’est pas toujours facile à vivre. Ces deux personnes viennent s’assurer que nous avons les ressources et la souplesse psychologique nécessaires à l’accueil d’un enfant dont le début de vie est difficile :
« les enfants adoptés sont des enfants comme les autres avec des options particulières qui nécessitent des parents avec des outils adaptés »
disent les Québécois (J. Lemieux et JF Chicoine).
C’est à ce moment-là que nous précisons si nous voulons adopter en France ou à l’international ou les deux, accueillir une fratrie, l’âge maximum de l’enfant, l’ouverture aux particularités médicales… Environ 60% des enfants adoptés à l’étranger en 2016 sont des Enfants à Besoins Spécifiques (EBS) : plus de cinq ans, fratrie, particularité médicale. En France, les pupilles sont parfois des enfants nés sous le secret, mais il y a aussi les enfants dont l’autorité parentale a été retirée aux parents : leurs histoires peuvent être lourdes. L’agrément est validé, ou pas, par une commission. Les rapports écrits sont ce qui représente les postulants auprès des Conseils Départementaux et des organismes œuvrant dans l’adoption pour l’international. En Haïti, quand le pays vous apparente à un enfant, vous devez faire un voyage de socialisation pour faire sa connaissance et commencer la procédure.
Pourquoi est-ce si difficile pour réussir à adopter un enfant ?
En France en 2016, il y avait un peu moins de 18000 agréments en cours, c’est à dire des postulants qui attendent de devenir parents. Mais il y a eu moins de 1000 enfants adoptés à l’international et moins de 700 enfants adoptés en France. Les postulants ne seront pas tous parents. Un agrément est valide cinq ans, la démarche est à refaire tous les cinq ans.
Dans cette terrible attente, il y a parfois beaucoup de souffrance. Il n’est plus rare de devenir parents plus de dix ans après avoir commencé les démarches !
A l’international les organismes suivent les règles des pays et doivent sélectionner des dossiers. La Convention de La Haye fixe des règles pour s’assurer que les enfants sont adoptables et pour tout mettre en œuvre avant d’envisager de les placer à l’adoption internationale. L’enfant n’est pas une marchandise.
Que ressens t’on quand l’enfant est là ?
Entre la demande et l’arrivée de la première il s’est passé 3 ans, 6 ans pour le deuxième.
Pour moi il y eu deux moments, celui où vous recevez un coup de fil ou un mail qui vous dit qu’on vous a trouvé un enfant. On anticipe ce moment, on imagine ce que l’on va ressentir. Mais sur le coup c’est tellement fort qu’il n’y a pas de mot, on peut enfin mettre un visage sur une attente. J’imagine que c’est comme aller faire son échographie.
Puis il y a la rencontre, le moment où on le serre dans les bras pour la première fois. C’est une joie profonde, c’est ce que l’on attend le plus au monde.
Mais en même temps cela devient aussi une grande responsabilité : on doit protéger un enfant qui a déjà été malmenée. Car l’enfant a droit à une famille, mais l’inverse n’est pas vrai, malgré le désir d’avoir un enfant, ce n’est pas un droit.
Pensez-vous qu’il y ai encore un tabou, une gêne à ce sujet ?
L’adoption visible génère des questions, les gens ne sont pas malveillants, même s’ils sont parfois maladroits. Tout le monde à un avis sur l’adoption, mais il faut la vivre et ses particularités sont difficile à partager avec des gens qui ne la vivent pas. Il faut surtout protéger les enfants qui ont déjà perdu confiance en l’adulte suite à leur parcours.
Il ne faut pas mettre de tabou avec l’histoire des enfants car ils ont eu un début de vie puis nous avons fait famille, il ne faut pas mentir. Tahiti est devenu mon deuxième pays, nous y avons tissé des liens, nous y avons des gens qui sont cher à nos cœurs. Nous souhaitons transmettre à nos enfants cette belle culture par la lecture, l’art. Mais il faut être à l’écoute des enfants qui n’ont peut-être pas ce souhait.
Avez-vous des conseils pour ceux qui vont se lancer dans l’aventure ?
Il y a une grande souffrance à ne pas être parents. Si vous souhaitez vous lancer dans un processus d’adoption, essayez de regarder le parcours du point de vue de l’enfant abandonné et de ses souffrances à lui que vous aurez à accueillir. Il y a internet pour s’informer, des livres mais aussi des associations pour rencontrer des personnes en vrai. Nous avons cheminé avec EFA (Enfance & Famille d’Adoption) et c’est là que le chemin vers notre premier enfant est né.
L’adoption fait partie d’un chemin de vie et je ne changerai le mien pour rien au monde.
L’équipe vous souhaites plein de bonheur à toute votre petite famille.
Pour aller plus loin
Film : Va vis et deviens – Holy Lola – Philomena – Lion – L’enfant fourmi- Couleur de peau miel
Livre : Cecile Flé Créer des liens
Vivre et grandir dans l’adoption de Cécile Delannoy et Catherine Valée
Livre pour enfant : En attendans Timoun
Site d’Enfance & Adoption : http://www.adoptionefa.org/
Pour respecter l’anonymat des enfants d’Anne ce sont d’autres photos sans lien qui ont été utilisé, des photos de mon dernier voyage au Sénégal.